Vaccins à ARN messager et maladies infectieuses
Bien que moins nombreux que ceux visant à combattre le cancer, des vaccins prototypes à base d’ARN messager ont également été utilisés pour prévenir une infection. Il est en effet plus facile de juger de l’efficacité d’un vaccin contre un agent infectieux que contre une pathologie tumorale mais également du fait qu’un vaccin à ARN messager peut également être produit bien plus rapidement qu’un vaccin conventionnel.
En infectiologie, tout a commencé deux ans plus tôt que les premiers travaux en oncologie. C’est en effet en 1993 que Frédéric Martinon, Pierre Meulien et leurs collègues de l’Inserm, de l’Institut Cochin de génétique moléculaire et de Pasteur Mérieux Sérums et Vaccins (Marcy-l’Étoile) ont montré qu’un liposome renfermant un ARN messager codant une protéine du virus de la grippe induit chez la souris une réponse immunitaire cellulaire (lymphocytes T). Depuis, des vaccins prototypes à ARN messager ont été développés contre plusieurs virus, bactéries et parasites.
De nombreux travaux sur les vaccins à base d’ARN ont été consacrés à l’infection par le virus de la grippe (virus influenza). C’est en 2012 que Benjamin Petsch et ses collègues du Friedrich-Loeffler-Institut (Tübingen) rapportent qu’un vaccin ARN messager est capable de conférer une protection contre le virus influenza. Sa capacité à induire une réponse immunitaire, chez la souris, des furets et des porcs, était comparable à celle observée avec un vaccin grippal inactivé conventionnel.
En 2018, Annette B. Vogel et ses collègues de BioNTech (Mayence, Allemagne) montrent qu’un ARN messager, non modifié, peut induire la synthèse in vivo chez la souris d’une protéine 12 à 24 heures après une injection intramusculaire, avec un pic d’expression au 8ème jour.
Alors que la mise au point d’un vaccin conventionnel contre le virus grippal prend environ six mois, des chercheurs ont mis huit jours en 2013 pour produire un vaccin ARN messager anti-influenza après que la séquence génétique de deux gènes importants (hémagglutinine et neuraminidase) du virus H7N9, responsable d’une épidémie de grippe aviaire en Chine, ait été rendue publique.
L’infection par le VIH a également fait l’objet d’intenses recherches. La stratégie a consisté à introduire dans des cellules dendritiques un ARN messager codant des antigènes du VIH et à les injecter, par voie intradermique et/sous cutanée, à des patients atteints du sida et par ailleurs traités par antirétroviraux.
Plusieurs essais cliniques, canadiens, belges et néerlandais, ont été conduits. Le vaccin à ARN messager a entraîné une réponse immunitaire spécifique de l’antigène (lymphocytes T CD4 et CD8), mais sans pour autant observer de bénéfice clinique (pas de diminution de la charge virale). Des vaccins administrés par voie intraveineuse ont également été développés et de nombreuses formulations pour véhiculer le vaccin à l’intérieur de cellules ont été élaborées, sans parvenir à induire la production d’une réponse durable en anticorps neutralisants.
Des essais cliniques chez l’homme ont été conduits avec des vaccins à ARN messager porteurs de nucléotides modifiés, encapsulés dans des nanoparticules lipidiques et administrés par voie intramusculaire. Bien qu’encourageants, les taux d’anticorps obtenus n’atteignent pas le niveau de ceux observés chez l’animal.
Des efforts ont également été déployés pour développer un vaccin à ARN messager contre le virus Zika. Une équipe de la Perelman School of Medicine (université de Pennsylvanie, Philadelphie) a rapporté en 2017 dans la revue Nature que des réponses immunitaires puissantes et protectrices ont été obtenues par injection intradermique de faibles doses d’un ARN messager encapsulé dans des nanoparticules lipidiques chez des souris et des singes macaques rhésus. Chez ces derniers, l’ARN messager a été administré à de très faibles doses (50 microgrammes), ce qui correspond à une dose d’environ 0,02 milligramme par kilogramme de poids corporel. Un vaccin prototype est actuellement en essai clinique chez l’homme.
Des résultats prometteurs obtenus avec des vaccins à ARN messager chez l’animal, peuvent ne pas se voir confirmés lors d’essais cliniques chez l’homme, comme cela s’est vu lors de l’évaluation d’un vaccin contre la rage. Les résultats avaient pourtant été extrêmement prometteurs dans les modèles pré-cliniques. Ce vaccin à ARN messager (CureVac AG, Tübingen) avait en effet permis de protéger contre une injection mortelle de virus dans le cerveau de souris et d’induire une réponse, forte et durable, en anticorps neutralisants chez des porcs.
Une fois testé chez l’homme, ce vaccin n’a pas été à la hauteur des attentes. Des chercheurs allemands de l’université de Munich l’ont administré, par voie intradermique ou intramusculaire, dans les deux cas par une seringue à aiguille et par un dispositif sans aiguille (injecteur à haute pression).
Contre toute attente, lorsqu’il a été administré en injection par aiguille, le vaccin a échoué à induire une réponse en anticorps adéquate, et ce indépendamment de la dose ou de la voie d’administration. Seule l’injection sans aiguille a permis d’obtenir de meilleurs résultats, semblables à ceux obtenus chez l’animal. Les réponses immunitaires ont cependant décliné après un an de suivi. Résultat : le développement de ce candidat vaccin a été abandonné.
Par ailleurs, la plupart des sujets vaccinés avaient développé une réaction locale faible à modérée (douleur au point d’injection, douleurs musculaires, maux de tête, fatigue, frissons), principalement ceux qui avaient reçu le vaccin par voie intramusculaire. Trois personnes avaient rapporté la survenue de sévères réactions au site d’injection ou un syndrome pseudo-grippal.