Mode d’action des vaccins à ARN
Mais que se passe-t-il après injection d’un vaccin à ARN messager ? Une étude sur la souris, publiée en 2015 dans la revue Immunology, a montré qu’après injection intramusculaire d’un ARN messager auto-réplicatif l’antigène pouvait être exprimé par des cellules musculaires puis être capté par des cellules présentatrices d’antigène qui migrent vers elles. Certaines cellules dendritiques disposent d’une capacité unique, nommée « cross-presentation », qui leur permet de capter un antigène d’origine extracellulaire (provenant donc des cellules musculaires) et de le présenter sur leur surface. L’antigène recruté localement par les cellules dendritiques serait alors reconnu par le système immunitaire, en l’occurrence par des lymphocytes T CD8 dont il provoquerait l’activation.
Cela dit, quand bien même l’ARN messager parviendrait à pénétrer dans des cellules musculaires, il semble bien que le mode d’action d’un vaccin à ARN messager repose principalement, sinon essentiellement, sur les cellules dendritiques dont le rôle clé est de présenter l’antigène au système immunitaire, et qui ont de surcroît la capacité de migrer du site d’injection vers les ganglions lymphatiques situés à proximité (ganglions lymphatiques drainants). Ces ganglions sont extrêmement riches en lymphocytes B et T.
De récentes études chez l’animal (souris, singes macaques rhésus) ont montré qu’une vaccination par ARN messager (avec nucléotides modifiés et encapsulés dans des nanoparticules lipidiques) induit à la fois des taux élevés d’anticorps et des réponses en lymphocytes B et en lymphocytes T folliculaires helper (Tfh) dans les ganglions lymphatiques. Or on sait que les lymphocytes Tfh interagissent dans les centres germinatifs des ganglions lymphatiques avec des lymphocytes B activés pour promouvoir la production robuste d’anticorps neutralisants.
Des études chez la souris ont montré que l’ARN messager administré dans la peau est transporté par des cellules dendritiques migratrices vers les ganglions lymphatiques drainants le territoire correspondant au site d’injection. De fait, il semble bien que ce sont les cellules dendritiques qui captent l’ARN messager et expriment l’antigène vaccinal afin de le présenter à leur surface, à l’intérieur des ganglions lymphatiques. La reconnaissance de l’antigène par les lymphocytes T entraîne leur activation et leur prolifération, point de départ de la réponse immunitaire.
Par ailleurs, des travaux récents ont montré que l’injection intramusculaire chez la souris d’un vaccin à ARN messager formulé dans des nanoparticules lipidiques entraîne une production transitoire et importante de la protéine dans des cellules dendritiques résidant au sein du tissu musculaire.
Le rôle des cellules présentatrices d’antigène a également été mis en évidence chez des singes macaques rhésus, après administration intramusculaire ou intradermique d’un vaccin à ARN messager. L’administration du vaccin a entraîné l’infiltration de cellules immunitaires (neutrophiles, monocytes, cellules dendritiques) sur le site d’injection et à l’intérieur des ganglions lymphatiques drainants. Là encore, ce sont les cellules dendritiques (et les monocytes) qui ont capté l’ARN messager et exprimé la protéine, ce qui a provoqué l’activation de lymphocytes T CD4 spécifiques dans les ganglions lymphatiques situés à proximité.
L’ensemble de ces résultats montre donc le rôle central que jouent les cellules dendritiques dans l’induction d’une réponse spécifique par le système immunitaire.
Le fait qu’un vaccin à ARN entraîne une réponse immunitaire plus rapide après administration intradermique qu’après une injection intramusculaire pourrait tenir au fait que les cellules dendritiques sont plus nombreuses dans la peau que dans le muscle. En effet, le derme est richement pourvu en cellules présentatrices d’antigènes et renferme notamment plusieurs sous-populations de cellules dendritiques. Le muscle est en revanche principalement composé de fibres musculaires et ne compte qu’un petit nombre de cellules immunitaires, notamment de rares cellules dendritiques.
L’administration intramusculaire d’un vaccin est généralement effectuée au niveau de l’épaule, dans le muscle deltoïde, parfois dans le muscle fessier ou au niveau de la cuisse (dans le muscle vaste externe). Cette voie d’administration est celle qui est classiquement utilisée pour la quasi-totalité des vaccins. C’est d’ailleurs celle qui a été retenue pour les vaccins à ARN messager anti-Covid-19 développés par les firmes Pfizer/BioNTech et Moderna.
Le fait que les voies intramusculaire et sous cutanée soient les deux principales voies d’administration de vaccins chez l’homme tient surtout au fait que ces deux modalités d’injection sont à la fois simples à réaliser et tout autant efficaces.
Les cellules dendritiques ont la particularité de présenter à leur surface l’antigène sur deux supports différents que sont les molécules du complexe d’histocompatibilité de classe I et II. Cela leur permet de stimuler respectivement les lymphocytes T CD8 et CD4. Par ailleurs, l’antigène, une fois produit par les cellules dendritiques, est sécrété dans le milieu extracellulaire. Alors considéré comme un intrus, il est reconnu par les lymphocytes B qui se mettent à produire des anticorps dirigés contre lui.